Le CROSS, au courant de cette indisponibilité, met en alerte la vedette de Honfleur, de l’autre côté de l’estuaire, au cas où il faudrait du renfort.
Heureusement, le feu reste à une trentaine de mètres de la SNS 161. Tranquillisés pour leur bateau, les Sauveteurs en Mer vont, comme d’autres, se rendre utiles. Se met en place une « somme de bonnes volontés spontanées », comme le formule Vincent Hello. Une aide précieuse, car les pompiers ont besoin de temps pour dérouler 250 mètres de tuyaux vers l’extrémité des pontons.
Une motopompe de la SNSM sur un bateau de Greenpeace
Le patron de la SNSM avise un semi-rigide de Greenpeace. « Je lui confie Loïc Lacorne et une motopompe pour qu’ils essayent d’arroser les bateaux en feu », précise le marin. Pas pour sauver des personnes – les cinq qui se trouvaient à bord du Mathys 3 ont évacué –, mais pour limiter la chaleur et les flammes. Les navires dont les amarres ont brûlé partent à la dérive et menacent les autres.
Arnaud, comme Julien Lebas, maître de port principal, ont un objectif en tête : isoler les bateaux en feu – sept seront perdus – en créant des « mailles vides » pour faire coupe-feu. Plusieurs personnes se mettent donc à larguer des amarres afin d’éviter que le feu se propage d’embarcation en embarcation.
Arrive alors un tout petit pneumatique à moteur des nageurs sauveteurs de la SNSM, normalement destiné à franchir les vagues à deux lors de la surveillance des plages. Seul à bord, Léo Monteilh, formateur. « J’ai été alerté par la colonne de fumée, indique le sauveteur. J’ai d’abord essayé d’écarter les bateaux en manœuvrant mon embarcation d’une main et en tirant les amarres de l’autre. » Difficile. Cela ira finalement beaucoup mieux en embarquant Arnaud Gogly. Les deux hommes vont se montrer efficaces, évitant de se mettre trop en danger sur une embarcation inflammable et sans équipements de protection ! Sur le Mathys 3, le feu est plutôt concentré sur l’avant. Ils repèrent sur l’arrière une embase moteur (le raccord moteur hélice) sur laquelle ils peuvent amarrer un cordage pour remorquer le bateau en flammes.
Il faudrait maintenant pousser les bateaux en feu sur l’enrochement pour qu’ils ne dérivent plus. Pas question de le faire à bord de semi-rigides inflammables.
Seule embarcation des sauveteurs opérationnelle rapidement, le minuscule IRB (inflatable rescue boat) des nageurs sauveteurs !
© Loïc Lacorne
Heureusement, l’équipe du port de plaisance prend le relais avec une embarcation en aluminium qui craint moins la chaleur. Dernier élément de la chaîne de bonnes volontés – mais pas le moindre –, une vedette du grand port de commerce en mission dans l’entrée du port s’est aussi précipitée pour aider.
Le feu maîtrisé en une heure
À 16 h 12, à peine plus d’une heure après l’alerte, le port du Havre estime le feu maîtrisé. On peut rassembler au local de la SNSM ceux qui ont inhalé des fumées et leur donner un peu d’oxygène. Le trésorier de la station est allé chercher de l’eau et des petits gâteaux pour un peu de réconfort.
Tout est bien qui finit bien, sauf pour les bateaux perdus. Mais tous les participants sont conscients des limites de cette addition de bonnes volontés et de chance, facilitée par le fait que tous se connaissent bien. Quand il n’est pas patron bénévole chez les Sauveteurs en Mer, Arnaud est commandant adjoint du grand port. « Il faudrait imaginer les scénarios possibles ensemble », suggère ce dernier. Et réfléchir à une meilleure organisation ou aux moyens à utiliser pour combattre le feu en sécurité. On anticipe pour la prochaine fois, même si on espère qu’elle n’aura jamais lieu.